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Journée d'étude du GIP Groupement interdisciplinaire en périnatalité, 6 février 2010

Compte-rendu de A.Evrard invitée en tant que représentante d'usagers

J'étais invitée samedi dernier à Bruxelles, pour une journée de reprise de cas au CHU Saint Pierre, une des très grosses maternités de Bruxelles. Cette journée était organisée par le GIP (groupement pluridisciplinaire en périnatalité) et ce fut extrêmement motivant. Je voulais vous en faire un petit compte-rendu car il me semble que ce genre d'initiative serait à développer en région ici.

Il s'agissait de reprendre le cas d'une femme qui rompt la poche des eaux à 17SA et qui choisit de poursuivre sa grossesse. Le GIP avait demandé à plusieurs membres de l'équipe de présenter la façon dont les semaines d'hospitalisation se sont déroulées, jusqu'à la naissance et au décès de ce bébé, comment les acteurs principaux ont vécu la situation et leur relation avec cette femme et ce couple. Ensuite, 6 « experts », à qui la situation avait été présentée au préalable (par écrit et grâce à un entretien filmé avec la maman quelques mois après le décès de son bébé) ont apporté leur vision des faits. Il y avait la un gyn-obs de Suisse Romande, une cadre sage-femme de Montpellier, une pédo-psy de Lyon, une éthicienne de Paris, un pédiatre de Lille, et pour « l'expert » usagers, moi.

Je suis persuadée que cette approche commune d'une même situation est extrêmement enrichissante pour toutes les parties. De notre coté, nous pouvons montrer que notre analyse est complémentaire de la leur, et que notre angle d'approche leur apporte des éléments auxquels ils n'ont pas accès. Et pour nous, c'est une excellente occasion de confronter nos a priori à la réalité. Cela demande, je suppose, un gros travail d'amont, car il faut que les gens concernés par le cas soient en grande confiance (d'autant plus que samedi, cela se déroulait avec plus d'une centaine de participants), mais c'est vraiment d'après moi une voie à explorer. Pour ceux qui sont sur des réseaux, je me disais qu'on pourrait avoir ça en tête. J'en ai parlé à la sage-femme coordonatrice d'Aurore ici, et j'ai envie d'en toucher deux mots à l'occasion à la Fédération des réseaux.

Enfin, la rencontre avec la responsable d'une consultation d'éthique clinique à Cochin, m'a ouvert aussi des perspectives très intéressantes. Je vous mets en PJ le programme d'un colloque qu'elle co-organise sur les enjeux de la PMA, cela pourrait être une voie à explorer pour le CIANE me semble-t-il, pour ceux que cela intéresse. Bonne soirée à tous et à bientôt. Anne Evrard

Réponses à des questions suite au compte rendu

sur la méthode du cas discuté par différents experts

Cette démarche a été initiée par l'équipe de F.Molénat, qui utilise la reprise de cas comme fondement de l'analyse et de l'intérêt du travail en réseau. C'est exigeant, car ce n'est pas jeter sur la table les affects de quelques uns, il y a un vrai souci de progression derrière. Le GIP a là poussé l'idée encore plus loin en mettant en parallèle la reprise de cas par l'équipe et celle par des gens extérieurs de spécialités différentes, ce qui n'est pas systématique habituellement. C'est vraiment cette démarche que nous devrions promotionner.

Sur le cas discuté

(extrait d'un message de l'organisateur)

Quelques données de la situation clinique à partir de laquelle vous serez invités à réagir:

  • Il s'agit du témoignage de Madame B qui raconte sa troisième grossesse, après deux fausses-couches.
  • La conception de sa troisième grossesse intervient après un parcours d'infertilité + PMA.
  • Décollement, saignements, 10 jours de repos vers 8-9 semaines.
  • Echo premier trimestre: sans particularité.
  • Vers 15 sem, sexe foetal révélé, bébé très bien "personnalisé" par le couple, a déjà un prénom.
  • Vers 18 sem, malaise, douleurs; fissure de la poche des eaux, hospitalisation.
  • Là commencent à se poser les questions qui nous intéressent: contraste entre les évaluations des intervenants, difficultés dans les transmissions interprofessionnelles et pertes d'informations, confusions liées à la multitude d'interlocuteurs, accordage laborieux entre la réflexion des professionnels et le cheminement émotionnel des parents avec en particulier des critères différents (prises de sang avec CRP pour les professionnels, perte concrète de liquide pour la femme), discussions autour du seuil de viabilité...
  • Cette situation faisait suite à une autre, gérée par la même équipe. Les intervenants s'étaient montrés très pessimistes par rapport à un oligoamnios majeur chez une autre patiente qui avait souhaité mener sa grossesse à terme, d'une certaine manière à l'encontre de l'avis des professionnels. L'issue en avait été très favorable. Cette première situation sera synthétisée avant le témoignage de Mme B. Elle explique l'état d'esprit dans lequel l'équipe a géré la situation de Mme B.
  • La grossesse de Mme B suivra son chemin jusqu'à 32 sem mais en fonction de l'hypoplasie pulmonaire, le bébé va décéder après deux heures de vie.

Comme vous le verrez dans le DVD, les questions posées par cette patiente sont nombreuses et s'adressent à toutes les disciplines.

Sur le contenu de l'intervention de A.E

Je vous mets le plan. J'ai rajouté des trucs au cours de la journée (c'était la règle du jeu, l'intervention ne devait pas être « finie » avant la journée), entre autres un point sur la question de « choisir sa souffrance », à savoir dans ce cas, préférer affronter le décès de son enfant après la naissance au fait de choisir une IMG.

  • Présentation Bien Naître et travail /Amnio et diagnostic prénatal, plus autre type d'écoute
  • Eléments notables de ce DVD
  1. 1 La mère (et on peut supposer le père) élabore une stratégie, elle a un but, des objectifs et des indicateurs pour ajuster ses réactions à l'évolution de la situation :
    • Face à la multiplication des interlocuteurs et leurs positions ou leurs attitudes parfois divergentes, elle choisit un référent, qui a lui-même, selon la mère, des indicateurs précis et constants (la gynécologue-obst.).
    • Son but ; tenir jusqu'à 25SA, ses objectifs, aller d'échographie en échographie, ses indicateurs, la position de son référent te ses pertes de liquide amniotique.
  2. 2 Elle analyse à sa façon, mais avec précision ce qui se passe autour d'elle, ce qu'elle ressent des soignants et de son propre vécu.
  3. 3 Or, elle le souligne « il n'y a pas d'historique du vécu », à savoir le sien. Le dossier médical élimine dons ce qui est essentiel pour elle et qui traduit sa place d'ACTEUR CENTRAL de ce qui se déroule, son ressenti, ses besoins, ce qu'elle pourrait en dire, mais sans doute aussi, ses interactions avec les soignants
  4. 4-Les distorsions sont avant tout la conséquence de la non-prise en compte de ce que, ELLE aurait pu dire d'ELLE-MEME :
    • « Envisager un bébé potentiel, dans mon langage, ça ne veut rien dire ». Lorsqu'elle s'explique avec l'échographiste, il lui répond « on ne va pas revenir sur cette discussion »...et si, justement ! (expliquer)
    • Analyse de la « panique sans parole » de l'échographiste, « pour ne pas montrer », alors que de toute façon, elle sent ce qu'il se passe : pas de partenariat
    • Distorsion entre son but (tenir jusqu'à 25SA) et la victoire qu'elle envisage et la réalité des risques à ce même stade. Du coup, victoire anéantie, « scénario catastrophe suivant », tempéré toutefois par le pédiatre (importance du « chacun sa place »)
  • Solutions

Sur les points de vue complémentaires à ceux des professionnels de santé

  • Pour faire court, j'étais la seule avec l'éthicienne (mais qui est passée après moi) à parler clairement de la stratégie maternelle, des buts que cette femme se fixait, de ces objectifs, des indicateurs qu'elle mettait en place. La seule à insister pour qu'un temps, un espace soit prévu pour que cette stratégie puisse être clairement exprimée par la mère, consignée (avec les évolutions qu'elle a pu forcément connaître) et prise en compte officiellement dans les prises de décision de l'équipe.
  • Je leur ai montré qu'ils avaient tous passé beaucoup de temps à s'ajuster au comportement de cette femme, qui selon eux n'était pas « facile », alors que d'officialiser sa stratégie aurait permis de faire lien entre eux autour d'elle et ainsi de répondre plus facilement à ses besoins et de faire aussi plus facilement équipe avec elle.
  • J'ai beaucoup insisté sur la notion de partenariat soignants/mère ou parents (certains savent que cette notion est mon cheval de bataille). Beaucoup appuyé aussi sur l'idée que le savoir médical, l'expertise du diagnostic, même porté à son excellence, ne suffira jamais à savoir le bien dont autrui a besoin. C'est très délicat pour un soignant cette question là, car leur profession est fondée, de façon symbolique très forte, sur le fait de faire le bien. Il faut donc leur montrer que même dans les équipes les plus exigeantes, le bien dont a besoin la mère, les parents... ne peut se concevoir de façon juste par l'équipe sans que cette mère, ces parents soient interrogés et entendus sur le sujet.

Les gens de Saint Pierre étaient vraiment intéressants et courageux de venir parler de leurs doutes, de leurs ressentis...Et malgré le gros travail d'analyse qu'ils avaient déjà fait, comme chaque fois que j'aborde ces questions, je vois bien comment j'ouvre vraiment pour eux des portes qui étaient fermées, ou alors, qu'ils ouvraient imparfaitement, ou dans le mauvais sens. Je peux vous assurer que cela permet de remettre à leurs places tous les a priori que nous, nous transportons avec nous, et je trouve cela aussi très important !


Modif. August 09, 2010, at 11:17 AM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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