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Maisons de naissance : chronique d'un échec annoncé

Août 2009

Le _CNGOF s'est prononcé, il y a quelques jours, contre l'expérimentation des maisons de naissance en France. Il ne s'est pas contenté de critiquer le cahier des charges proposé, de proposer des amendements - ce que le CIANE serait disposé à faire. Non, il s'est déclaré globalement contre les maisons de naissance telles qu'elles sont partout définies, c'est-à-dire comme des espaces autonomes par rapport aux maternités classiques, considérant que l'aménagement d'« espaces physiologiques » à l'intérieur des maternités était une solution meilleure pour « l'humanisation » de l'accouchement car apportant beaucoup plus de sécurité. Doit-on être surpris de cette prise de position ?

Oui, si l'on considère que le président du CNGOF ainsi que plusieurs professionnels membres du CNGOF ont participé au groupe de travail aboutissant à la rédaction de ce cahier des charges dont la rédaction finale est d'ailleurs encore plus restrictive que celle qui avait été discutée en séance. On peut s'interroger sur le sens et le bien-fondé même de leur participation.

Non, car le CNGOF est bien connu pour ses positions plus que conservatrices en matière d'obstétrique : tout projet qui remettrait en cause la suprématie des obstétriciens sur l'obstétrique française et concèderait une véritable autonomie aux sages-femmes est a priori exclu, au point qu'on peut se demander parfois en quoi le CNGOF se distingue d'un syndicat, aux positions corporatistes attendues. Défendre l'obstétrique, pour le CNGOF, c'est défendre les obstétriciens.

Nous ne reviendrons pas sur les différentes péripéties qui, depuis bientôt dix ans, ont jalonné la « non-histoire » des maisons de naissance en France. Nous constatons simplement que, malgré son apparente ouverture, piège auquel tous les partisans des maisons de naissance se sont laissés prendre, la démarche adoptée était vouée à l'échec du fait de la contradiction irréductible existant entre son objectif apparent - définir un mode de fonctionnement expérimental pour les maisons de naissance - et la méthode employée.

Pour saisir la nature de cette contradiction, il suffit de se demander pourquoi il était nécessaire d'en passer en France par une période d'expérimentation. La réponse ne va pas de soi : le concept existe depuis plus de vingt ans et a largement été éprouvé dans la pratique, au Québec, en Allemagne, dans les Pays nordiques, en Suisse, en Belgique etc. Ne citons qu'un chiffre : 120 maisons de naissance en Allemagne. Nous ne sommes plus là dans les tâtonnements de l'innovation : non, si l'on se place à l'échelle européenne, c'est de quasi-routine dont il s'agit. La vérité, c'est que l'expérimentation en France n'avait qu'un seul objectif : définir et tester des arrangements organisationnels qui soient acceptables et praticables pour des obstétriciens jaloux de leurs prérogatives.

Dès lors que l'on se situe dans cette perspective, on voit bien ce en quoi le processus d'élaboration du cahier des charges est vicié dès le départ : pourquoi demander à ceux qui représentent des professionnels majoritairement opposés au concept de s'asseoir à la table des négociations préalables, alors que l'expérimentation même n'a qu'un seul objectif, les convaincre in fine que les maisons de naissance ne les mettent pas en danger et permettent de répondre à une demande grandissante des parents qu'ils ne peuvent satisfaire ? Pourquoi vouloir produire du consensus a priori, alors que la raison d'être de l'expérimentation est l'absence, aujourd'hui, de consensus possible sur les principes au fondement même des maisons de naissance ?

Une seule conclusion s'impose : il faut changer radicalement de méthode ; il faut que le ministère prenne ses responsabilités et fasse preuve de courage politique. Fort heureusement, le CNGOF ne représente pas le point de vue de tous les obstétriciens français : il en existe de plus ouverts, de plus imaginatifs qui sont prêts à entrer dans une démarche innovante. Pendant ces dix longues années, des projets ont été construits dans un partenariat entre sages-femmes, obstétriciens, gestionnaires de la santé et usagers ; certains sont même tellement avancés qu'ils pourraient voir le jour dans les mois qui viennent.

A partir de l'ensemble de ces projets, il est possible de revoir le cahier des charges actuel de manière à ce qu'il puisse les intégrer et donner tout son sens à la notion d'expérimentation, c'est à dire tester en grandeur nature différents arrangements organisationnels qui pourront être évalués au bout de cinq ans et permettront l'élaboration d'un cadre réglementaire définitif. Les commentaires dont nous avons fait part au ministère sont orientés vers cet objectif : rendre possible l'expérimentation effective de projets qui ont été montés avec beaucoup de soin et de précaution par leurs promoteurs et en tenant compte de ce qui existe de par le monde. Pour apporter une validation finale de ce cahier des charges, nous proposons qu'il soit soumis à des experts étrangers dont le recrutement s'effectuerait sur la base de leur expérience effective dans le montage et le fonctionnement de telles structures. Cette démarche permettrait d'éviter les éventuelles erreurs d'appréciation des promoteurs des projets. Si volonté politique il y a - et dans un contexte où le gouvernement n'arrête pas de mettre en avant son courage, sa détermination, sa volonté de rupture, on se plaît à imaginer que cela est possible - tout ce processus peut être bouclé en quelques mois, laissant la place - enfin ! - à l'expérimentation effective des maisons de naissance en France.



Modif. May 23, 2010, at 09:18 AM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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