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Débuter comme représentant d'usager dans les commissions régionales de la naissances CRN

Propos de Anne Evrard (CRN Rhône-Alpes) et d'une représentante d'une autre CRN.

Que dirais-tu à quelqu'un qui démarrerait comme représentant d'usagers à une Commission régionale de la naissance CRN

Anne:

  • tout d'abord, le cadre de travail et le cadre légal, parce que cela nécessite vraiment de sortir des simples sujets qui peuvent nous motiver dans un premier temps, et qu'il faut en être conscient, sous peine d'être frustré.
  • donner quelques repères institutionnels
  • insister sur la régularité de la participation même si c'est ardu au démarrage et pendant quelques temps
  • J'insisterai sur une nécessaire humilité dans un premier temps
  • souligner l'importance du travail en réseau pour nous aussi au sein des associations,

Qu'entends-tu par "comprendre le cadre de travail et le cadre légal"

Anne: Par exemple nous avons dans notre CRN quelques sages-femmes défendant des projets de maisons de naissance. Une, au début, est partie bille en tête en proposant à la CRN de lancer une enquête grand public sur la vision et l'intérêt des parents pour les MDN. Flop total, tout simplement parce que ce n'est absolument pas dans le cadre institutionnel de cette commission et que cela ne rentre en rien dans ses attributions.

Ce qui, beaucoup plus tard, n'a pas empêché un débat très intéressant sur les mêmes MDN une fois le texte sorti, parce que là, nous étions bien dans le cadre d'action prévu.

Et aussi bien comprendre que c'est toute la périnatalité qui est concernée, pas seulement les conditions d'accouchement ou le suivi, et qu'il faut donc accepter de travailler sur des sujets en marge de nos préoccupations directes, et que c'est parfois assez technique et ardu.

Quels repères sur les institutions faut-il avoir?

Anne:

  • DRASS
  • ARH
  • SROS
  • Liens Drass/ ministère

Il faudrait connaître quelques définitions, et quelques trucs sur le fonctionnement, sur l'état d'esprit.

Ces repères-là suffisent pour connaître l'environnement dans lequel on intervient?

Il est ensuite important d'avoir un décryptage de l'organisation locale : globalement, il faut savoir

  • qui sont les gens présents,
  • qui ils représentent,
  • qui est aussi dans les réseaux de santé périnatale,
  • la place du privé par rapport au public, etc, etc...

D.: J'ai eu l'impression que c'était difficile d'être crédible quand on ne connaît pas les dossiers et les problématiques, pas seulement techniques mais aussi les conflits entre personnes, entre maternités, entre institutions.

Sur cet aspect des relations et conflits locaux, oui bien sûr, il faut garder un recul total, mais il faut aussi savoir que ça existe pour garder le contact avec le maximum et personnes et éviter de donner l'impression qu'on prend parti parce qu'on a dit un truc ou fait une proposition qui arrange l'un plutôt que l'autre.

Est-ce vraiment difficile au démarrage, pour quelles raisons?

Anne: La première année, on est plutôt dans le stade de l'apprentissage. C'est une phase de formation sur le tas, où on doit absorber et comprendre tellement de choses qu'il est difficile d'intervenir.

Un an d'apprentissage pour un mandat qui dure deux ans, c'est court?

Anne: Il faut faire plus d'un mandat, ou alors transférer son apprentissage au suivant.

Que faudrait-il pour devenir efficace plus rapidement?

Anne: On peut réduire les difficultés par un partage d'expérience. J'ai souvent très mal vécu le fait d'être tout à fait seule, sans personne, même dans mon association pour parler de ce que je vivais en réunion, parce qu'à l'époque (je suis en plus arrivée au moment de la rédaction du SROS), même chez nous, on ne cernait pas bien l'intérêt de ce mandat. J'aurais aimé discuter avec quelqu'un même d'une autre région.

Il peut très bien avoir un sujet à l'ordre du jour qui a déjà été abordé ailleurs, même si le contexte n'est pas le même, et que la mutualisation des expériences porte toujours des fruits.

D.: J'ai aussi été assez seule. D'où peut-être aussi l'impression de ne pas avoir été aussi efficace que j'aurais pu.

Vous parlez toutes les deux d'humilité

Anne: J'insisterai sur une nécessaire humilité dans un premier temps (pendant la phase d'apprentissage), ce qui n'empêche pas d'être ferme sur ses positions si on doit intervenir.

D.: Je suis d'accord avec la position d'humilité à adopter a priori. De même, quand on entend qu'il n'y a pas assez de péridurales dans la région, faute d'un anesthésiste présent, il faut se rappeler qu'effectivement, les femmes veulent en avoir une dans une très grande majorité ...

Est-il difficile de trouver sa place?

D.: Aux réunions de la CRN, j'ai souvent eu l'impression de ne pas servir à grand-chose car beaucoup de réunions ont tourné sur des questions de pathologies. Suivi des nouveau-nés à risque par exemple, survie du centre médico-légal qui s'occupe des bébés morts-nés, gestion des transferts...

Maintenant, je me sens plus à l'aise pour rappeler la place des parents, leur droit à l'information objective...

En tant que représentant d'usager, comment être crédible, prouver sa légitimité?

D.: J'ai été légitime sur la question de l'allaitement maternel parce que les gens ont vu que j'y connaissais quelque chose et peut-être aussi je me sentais plus sûre de moi. J'ai été nommée coordinatrice d'un groupe de travail de la CRN et c'est là que j'ai vraiment travaillé.

En conclusion, j'ai à peu près ma place à la CRN et mes commentaires sur les questions de naissance sont écoutés avec tolérance.

Anne: pour ce qui est de la légitimité, j'ai dès le début paré à toute attaque en insistant sur la vision complémentaire que nous avions de la périnatalité. J'ai toujours dit que je ne prétendais pas représenter l'ensemble des Rhône-alpines en âge de procréer, mais que j'étais là parce que les questions que j'apportais, les analyses et les réflexions, il n'y avait qu'un usager, dans sa fonction de représentant (c'est-à-dire avec un travail de distanciation par rapport à sa propre expérience et d'analyse de la situation au-delà de ses propres intérêts) qui pouvait les apporter.

Toujours dit aussi que nous avions deux connaissances complémentaires des femmes, car ce qu'elles nous disent n'est pas ce qu'elles disent en consultation, la fonction de l'interlocuteur influant bien évidemment sur le discours.

Partant du fait que je n'ai jamais abordé les choses autrement, et que je me tiens toujours à ce discours, j'ai trouvé que les inévitables remarques sont vite tombées.

Et puis en s'intéressant à tous les dossiers, en ne sautant pas sur sa chaise à la moindre provocation, tout en restant tout à fait ferme sur ses positions (bon, faut un petit temps pour apprendre, ce n'est pas forcément inné !), on prête beaucoup moins flanc aux critiques arbitraires.

Tu parles de "distanciation", qu'entends-tu par là?

Anne: La principale difficulté c'est avant tout la distance par rapport à son expérience, l'envie de travailler pour l'intérêt de tous les parents (pour caricaturer, même ceux qui ne rêvent ni d'accoucher à la maison, ni en MDN) et l'écoute avec le moins d'à priori possible des professionnels, dont on a beaucoup à apprendre. Accepter aussi (et ça ne plait pas à tout le monde, donc il faut bien choisir le postulant) ce volet du travail associatif. Bon c'est valable pour toutes les instances (réseaux et cruqs compris).

Nous avons eu ici l'expérience dans notre association sur une CRUQS d'une personne qui a très vite abandonné parce que son trip à elle, c'était vraiment amener les parents vers une naissance plus naturelle. Alors les conflits avec les professionnels, les demandes de dossiers médicaux, etc, etc, elle n'a pas mis 3 mois à comprendre que ça n'irait jamais.

Le dialogue est-il difficile avec les professionnels?

Anne: L'écoute avec le moins d'à priori possible des professionnels est importante. On a beaucoup à apprendre d'eux. D'autant plus que ceux qui participent à ces instances sont, en majorité (il y a toujours quelques cinglés dans le lot) des gens de « bonnes volonté », quelques soient par ailleurs leurs certitudes et leurs positions. Eviter donc d'aller discuter avec eux comme si on était en guerre !

D.: écouter d'abord et avant tout et se rendre compte qu'effectivement, chacun voit les choses de sa planète en y mettant en général la meilleure volonté.

Est-ce que les ordres du jour de vos CRN sont diffusés assez à l'avance pour vous permettre de préparer?

D.: Chez moi, il y a peu d'info avant et après. Il y a un ordre du jour et parfois un document préparatoire. Je suppose qu'on peut contacter les intervenants avant la réunion pour avoir plus d'info. Le CR est assez succinct mais les diaporamas sont souvent diffusés en complément.

Moi, j'ai eu souvent l'impression que la CRN était là pour entériner des positions qui avaient déjà été discutées avant par les personnes directement concernées. Bon parfois, ça discute et on modifie certains éléments de la décision finale.

Vu la complexité de la plupart des dossiers, ce fonctionnement n'est pas non plus choquant mais ça ne facilite pas le rôle des usagers.

Anne: Je pense que cela dépend des CRN puis de la place que l'on y prend (entre autres de notre expérience et de notre connaissance des dossiers, ce qui nécessite pas mal de temps et de volonté, car il faut travailler sur des choses qui ne sont pas de notre domaine de compétence initial).

En tout cas, ici, ce n'est pas le cas, on a l'ordre du jour assez tôt et tout est discuté longuement.

Mais c'est vrai que si l'on veut tenir une place active, il faut réfléchir sur des trucs parfois assez loin de ce qui me branchent au départ. Mais je me suis forcée à ne pas laisser de coté les trucs pénibles, même si je ne m'investis pas dans tout bien sûr, mais au moins j'entends tout ce qui ce dit, ce qui me permet finalement de me construire une représentation beaucoup plus précise et efficace du système dans lequel je suis amenée à participer et intervenir.

Donc je crois que si certaines CRN fonctionnent comme ça, ce n'est pas une fatalité, et il y a moyen de faire évoluer les choses

Anne Dusart (intervention aux Etats généraux de la naissance en septembre 2006) (...)il faut aussi sans doute que l'on arrive à faire se transformer, en profondeur, les modalités de travail des instances professionnelles auxquelles on est appelé à contribuer . (...).

Au niveau des instances régionales, c'est un peu (...) compliqué. Les professionnels un peu moins avertis, le nez un peu plus sur leur guidon ; et ils ont des habitudes de travail qui sont quelquefois assez antithétiques avec nos logiques d'usagers:

  • que ce soit les horaires de fixation des réunions,
  • les envois d'ordre du jour qui peuvent être la veille pour le lendemain, ne vous laissant pas le temps au niveau de votre association locale de vous concerter.
  • Par exemple, ce que je connais moi, c'est les réunions qui fonctionnent de façon très classique, c'est-à-dire : tout se passe par réunion

(Donc) les formes d'organisation qui existent, en tout cas sur ce que j'ai pu connaître au niveau local, ne sont pas facilitantes. (...) alors que l'HAS a pris depuis un moment le pli : elle envoie des dossiers documentaires, les gens réagissent déjà par internet, et le jour où on se retrouve, le travail est débroussaillé, déblayé.

Françoise Bas (UNAF) (intervention aux Etats généraux de la naissance en septembre 2006) (...) Dans une CRN, il y a eu des réunions où il y avait très peu d'informations qui circulaient en amont et en aval, tout se jouait à la réunion...

(C'est) d'une lourdeur pour l'usager qui n'a rien de commun avec ce qu'elle en est pour les professionnels – en général, eux, c'est intégré dans leur temps de travail, ils peuvent avoir des horaires très lourds, ça peut être compliqué pour eux à gérer, mais le décalage me semble bien plus important...

Donc je suis d'accord avec vous quand vous dites « se professionnaliser » si on entend par là le sérieux, et en même temps, je pense qu'il faut agir pour transformer les façons de travailler des instances, si elles veulent réellement intégrer les usagers, pour prendre la mesure de ce que ça suppose.


Modif. March 19, 2010, at 03:54 PM<br />(:addThis username="xa-4b5388e32c732dfe" btn="lg-share":)

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