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Récit de mes deux accouchements

Par BL

(:toc:)


Mon premier accouchement, septembre 2002

Pour mon homme et moi, l'année 2002 commence avec un énorme cadeau-surprise, nous voilà en route vers l'aventure de la parentalité ! J'ai 25 ans, c'est le vertige, le grand plongeon ! J'ai quand même réussi à acheter un test de grossesse en pharmacie, c'est dire comment on est conditionné dans cette société à gadgets, qui nous déconnecte de nous-mêmes et de nos ressentis... J'avais en effet les seins qui avaient déjà changé et j'avais des vertiges, mais je me disais que peut être tout ça était dû au climat trop chaud et humide de la Guyane où nous étions à l'époque... Ah là là, la technique, quand tu nous tiens... Donc me voilà enceinte, protectrice et responsable d'une vie qui est en train de grandir en moi...

Quelle émotion ! je ne veux pas de suivi, je ne suis pas malade, juste enceinte... mais je ne sais pas encore si je ferai ou non les cours de "préparation" à l'accouchement. Ce n'est pas pour tout de suite, je sais, mais j'ai un doute : je me demande si ils sont remboursés lorsqu'on n'a pas fait de déclaration de grossesse ni de suivi médical. Juste avant le terme des 14 semaines réglementaires pour faire la déclaration, j'envoie un mail à une experte ;o) pour lui demander si la déclaration est nécessaire pour avoir droit au remboursement des cours de préparation. Elle m'a répondu que ça n'avait rien à voir. Ok. Mais le temps passant, j'étais de plus en plus mal, c'est ce qu'on doit appeler les nausées des premiers mois. J'avais en permanence mal au ventre terrible, et le climat n'arrangeait rien, j'étais très mal.

Alors avec G, mon homme, on se dit que finalement on va aller voir un homéopathe, et on lui demandera de faire la déclaration et on verra ensuite ce qu'on en fait, si on l'envoie à la sécu ou pas... Pas de bol, le seul homéo de la région de Cayenne est en congé, sa remplaçante ne semble pas avoir du tout la fibre homéo, si tant est qu'on puisse parler de "fibre homéo" ;o). Comme elle me dit qu'elle veut m'examiner, je lui dis que je ne veux pas de toucher vaginal, je sais que ce n'est pas nécessaire... Elle nous met la pression, dit qu'elle est obligée de vérifier si le col est bien fermé, la routine quoi... Je n'ai plus l'énergie de résister, elle me fait super mal avec son outil, G se sent vaciller, il est tout blanc, et tout ça pour m'apprendre in fine que le col est bien fermé, avec bouchon muqueux. Merci du renseignement...

Ah oui, avant tout ça, j'avais téléphoné à un cabinet de sage-femmes indépendantes, pour faire une partie de la déclaration de grossesse, elle m'avait répondu qu'elle n'avait pas le droit de le faire (alors qu'une sage-femme en France métropolitaine m'avait dit que si, mais qu'une partie...), qu'il fallait aviser avec le gynéco-obstétricien de leur cabinet, "il est très bien vous savez".... Nous allons voir ce gars, à peine entrés dans son minuscule cabinet high-tech, il m'invite à m'allonger sur sa table... Je lui dis que je ne veux pas d'échographie, je viens juste pour que nous fassions ensemble la déclaration de grossesse. "Madame, je ne déclare que les bébés vivants", m'a-t-il répondu... Quelle horreur... Qu'à la limite il demande une prise de sang... mais exiger une écho est du grand n'importe quoi... Pendant un temps qui nous a semblé interminable, il nous a vanté les prouesses de son équipement "tout récent", étant donné que j'avais balbutié timidement que je ne voulais pas d'ultrasons juste pour le plaisir, que l'on n'avait pas forcément tout le recul nécessaire quant à leur impact sur le bébé en devenir... Je n'ai pas gardé en mémoire ses réactions, mais il était très tendu, très fâché, il se sentait attaqué, remis en question, alors que ce n'était pas notre but, nous ne voulions pas d'échographie, point ! "Nous n'avons rien à faire ensemble" a-t-il conclu. Nous étions d'accord, et avons donc pris congé. Nous avons été très remués par tant d'agressivité, si peu d'humanité. Je me suis effondrée.

C'est quelques semaines plus tard que nous avons rencontré la remplaçante de l'homéopathe, mentionnée plus haut. En sortant de chez elle, j'étais furieuse. C'est décidé, je ne ferai pas sa prise de sang prescrite, et du vent pour la déclaration de grossesse. Au passage, les granules prescrits n'ont rien arrangé pour les désagréments du ventre, par dessus le marché. Ils sont partis d'eux-mêmes, quasiment trois mois après la conception.

Début avril, nous voilà de retour sur le vieux continent, G décroche un poste en Bourgogne. Nous voilà installés dans un tout petit village paumé, la sage-femme (dans l'annuaire) la plus proche est à 1h30 en voiture (que nous n'avons pas). Je traîne la patte à lui téléphoner, elle n'est pas référencée dans les listings de mes sites web comme perinatalite.info... J'ai peur de me faire traiter de folle par téléphone, je suis déjà à fleur de peau par nature, alors enceinte c'est encore plus terrible... et j'ai aussi la trouille de me faire "capter", et qu'elle me tire les vers du nez pour avoir nos coordonnées et faire un signalement... Je n'ai pas envie d'avoir des ennuis et du stress pendant les derniers mois de grossesse. J'avais lu sur internet que la pertinence des TV pendant le travail pouvait être mise en doute, mais je ne savais pas comment m'y prendre pour savoir si une sage-femme serait intrusive ou pas le jour J...

En même temps, je "culpabilisais" un peu de ne vouloir personne à l'accouchement à part G, surtout que je venais de lire "La naissance respectée" de Joëlle Krebbs (s-f accouchement à domicile dans le sud de la France), où l'auteure disait que c'était vraiment inconscient les gens qui faisaient ce choix... C'est d'ailleurs dommage que beaucoup de choses ne soient pas remises en cause dans ce livre, comme par exemple le toucher vaginal, le temps de sortie du placenta.... etc etc etc... je ferme la parenthèse ! Tandis que nous avons toutes ces interrogations, je continue de lire tout ce que j'avais fait imprimer à G en Guyane à partir du Portail Naissance, et autres sites. C'est alors que je prends connaissance du récit "naissance sauvage" http://portail.naissance.asso.fr/recits/sauvage/sauvage-fr.htm. C'est impossible de décrire l'état de bonheur extatique que je connus suite à cette lecture !... (n'en déplaise à l'auteure ;) Une délivrance... et les larmes de joie qui vont avec... Non, je n'étais pas si "barge" de vouloir une naissance non "assistée" (je préfère "accompagnée"). J'ai fait lire le récit à G, je me souviens qu'il ne trouvait pas ça si extraordinaire que nous ne soyons que tous les deux. Pendant toute la grossesse, j'ai trouvé qu'il était encore plus serein et confiant que moi, sur mon corps, et sa capacité à enfanter. Peut-être parce qu'il avait souvent assisté à des mises-bas chez les brebis qu'avait son père, quand il était petit ? Maintenant, il dirait que c'était « l'inconscience de la jeunesse » ! Enfin bref, pas de peur chez lui, sauf peut-être la crainte d'être au travail et de ne pas pouvoir se libérer pour la naissance, et encore, nous étions confiants à ce sujet.

De mon côté, j'avais lu pas mal de choses sur internet, mais au fur et à mesure que les mois passaient, j'en lisais de moins en moins, et plus rien du tout les derniers mois, je saturais. Ma seule trouille, c'est que je suis très "cérébrale", et je me demandais si j'allais réussir à "déconnecter" au moment voulu... En même temps, je me disais que l'ambiance hormonale qui m'envahira pendant le travail m'aidera à m'abandonner...

Entretemps, il y eut l'Ecofestival en juin à Toucy, en Bourgogne donc ! J'avais halluciné d'apprendre via la "lettre-naissance" (ex "lettre perinatalité") qu'il y aurait un stand autour de la naissance citoyenne ! Quelle aubaine !

J'ai fait le tour concernant la grossesse, je pense. Aucune idée de mon poids et de son évolution, de mon tour de taille, hauteur utérine, taux de fer et autres chiffres auxquels je suis allergique. Je trouve ça réducteur de résumer la vie qui grandit à des chiffres... Je mangeais varié, aussi sainement que je pouvais, selon mes envies, et je dormais de plus en plus au fur et à mesure que septembre approchait. Je marchais aussi, comme une tortue, mais j'aimais bien, j'étais bien dehors. Comme nous n'avions pas de voiture, j'ai très peu roulé pendant toute la grossesse. Quand venait la nuit, c'était dur parce que je n'aimais pas dormir sur le côté, tandis que je n'étais pas bien longtemps sur le dos... Je ne sais pas si je suis immunisée contre la toxo ou pas, c'est peut-être hérétique ? Mais à chaque prise de sang que j'avais eue à faire dans le passé, les infirmières s'y prenaient en plusieurs trous pour trouver la veine (record à battre : 4 trous dans chaque bras, pour finir par démissionner, c'était pour un don du sang que je n'ai donc pas fait finalement :-(((... et les chatouilles sur le nerf qui passe pas loin, j'ai donné aussi...), alors ça ne me tentait pas plus que ça...

Donc le mois de septembre arrive tout doucement, tranquillement. La conception datant du 21/12 ou peu après, nous l'attendions pour fin septembre. Toujours pas de contractions, alors que plusieurs copines savaient ce que c'était dès le 6e mois... Mais je ne m'en plains pas, j'ai souvent entendu que ça fait comme les règles douloureuses, et j'ai déjà assez donné de ce côté-là pour pouvoir être impatiente de sentir...

Le week-end du 1er septembre, nous sommes de passage chez mes parents (à 500km de distance, en voiture de location). Ma mère me lance à demi-mots : tu sais, pour un premier, c'est épisio, forceps, etc, c'est un classique. Sous-entendre : tu n'y louperas pas toi non plus, aussi rebelle que t'aies l'air ! Je ne lui avais rien dit de notre projet, ni rien demandé ! Je réponds de manière évasive "oui oui..."

Le samedi 7 septembre, nous faisons un peu de voiture, et le copain qui conduisait roulait à toute allure, sur des routes en mauvais état. Nous sommes bien secoués, mais ne me sentant pas mal, je n'ai pas réagi sur sa conduite. Le soir, retour à la maison, RAS, on se couche. A 1h du matin, je réveille G : "Je viens d'avoir mal au ventre, comme mes règles". Il se rendort, et je le laisse, je me dis que si c'est pour bientôt, mieux vaut qu'il se soit bien reposé avant... Comme les douleurs reviennent souvent, je n'arrive plus à me rendormir, je ne suis pas bien allongée. Je vais chercher des sacs de couchage et m'enveloppe dedans, assise à terre, le dos contre le lit. Je passe le reste de la nuit comme ça, j'ai plus ou moins somnolé. Au matin, nous préparons le lit avec les bâches et les draps, mieux vaut que tout soit prêt et que ce ne soit qu'une fausse alerte, plutôt que le contraire... Jusqu'en début d'après midi, je continue à déambuler dans la maison, en me cramponnant à un meuble où à G dès que j'ai mal au ventre. C'est de plus en plus douloureux dans les reins à chaque contraction. G me masse le dos, mais je n'aime pas avec de l'huile, donc il fait sans, mais à force la peau est irritée, je dois me résigner à abandonner ce massage qui me faisait du bien, parce que maintenant ça me brûle... Nous n'avons pas tenu de journal de bord, et je suis incapable de dire à quelle heure je faisais quoi ! Les contractions me fatiguent de plus en plus, je n'arrive pas à me reposer entre. Je gémis, mais pas à fond, nous sommes locataires et le propriétaire habite en dessous, je ne veux pas qu'il fasse irruption, ou pire appelle le samu ou que sais-je...

J'avais lu le document "poussée volontaire / involontaire" http://portail.naissance.asso.fr/liste/poussee.htm, j'en avais retenu de ne rien provoquer ou forcer, juste accompagner mon corps dans ce qu'il vivait. Et effectivement, pendant toute la durée du travail, j'ai eu l'impression que tout se passait sans moi, je n'avais qu'à hurler à chaque fois, tellement c'était insupportable. Je ne perdais quasiment rien, pas de sang, pas de liquide en m'observant avec le miroir, RAS, et je ne voulais pas m'examiner, ça ne me/nous disait rien. Dans le miroir, je voyais juste une boule blanche un peu comme une balle de ping-pong (je n'y comprenais rien, pourquoi si blanc? qu'est-ce-que c'est ??? mais ça ne m'inquiétait pas) au fond du vagin puis à la vulve, elle mettait un temps fou à avancer pour sortir, et me brûlait le clitoris sur la fin. Je pensais qu'il allait exploser ! Ce ne fut pas le cas, mais je n'en reviens toujours pas ! Comme je viens de l'écrire, je n'étais pas inquiète par rapport à cette boule blanche, je n'y trouvais rien d'anormal, je la trouvais belle... et douloureuse ! mais pas ennemie ! C'est juste par curiosité, que je me demandais pourquoi blanc et pas incolore. Dans le livre mentionné plus haut, il y avait une photo avec une poche devant la tête du bébé, mais couleur peau, pas blanche comme la neige, la feuille de papier, ou la blouse du personnel de l'hopital... comme le blanc de l'œil, c'est à ça que ça ressemblait le plus ! En fait, il s'agissait du sac amniotique resté intact, comme on peut le voir sur un schéma à cette page : http://midwifethinking.com/2010/08/20/in-defence-of-the-amniotic-sac/.

Je ne sais plus quand les poussées ont commencé, je pense qu'elles ont duré toute la soirée de dimanche, à partir de 20-21h (?) et jusqu'à la naissance. Je m'agrippais à G, lui assis au bord du lit, moi debout. J'hurlais de douleur de plus en plus, je voulais qu'elles s'arrêtent pour me reposer. Au fur et à mesure que le temps passait, je me sentais de plus en plus désespérée. Je me souviens avoir eu à un moment des minuscules selles noires, sans m'en rendre compte : je les ai aperçues sur le drap blanc installé par terre sous mes pieds. Ne m'y attendant pas, je n'y comprenais rien, mais ça ne m'inquiétait pas. Sur la fin, n'en pouvant plus, je me suis assise sur un pot de chambre rehaussé par un petit marchepied. Je pense, de mémoire, que je restais assise quand les poussées arrivaient. Je me suis mise à pleurer, je disais que j'allais mourir, c'est pas possible d'avoir mal comme ça, ce n'est pas normal pour un évènement physiologique, j'ai merdé, déjà j'ai insupportablement mal avec cette boule blanche qui ne veut pas sortir, comment ça va être quand viendra le tour du passage du bébé?? Sa tête, ses épaules, ça ne va jamais passer, disais-je en sanglotant de douleur et de désespoir... G semble malgré tout rester calme, il était en réalité très inquiet par mes propos, mais pendant la grossesse, je lui avais expliqué que c'était possible qu'à un moment j'allais dire que j'allais mourir, mais qu'il ne fallait pas avoir peur, c'était une étape fréquente, etc... Du coup, il ne changea pas de comportement malgré mon état de panique, ce fut précieux.

Tout d'un coup, je hurle pour la n-ième fois avec la n-ième poussée qui m'étreint, tout en me levant brusquement (comme je disais plus haut, je ne me souviens plus exactement à partir de quand ça a commencé à pousser parce que je crois que je me suis même pas rendue compte sur le coup que c'était devenu différent... Je ne sais plus combien de minutes s'écoulaient entre les poussées, moins de 5 en tout cas je crois. Ne rien prendre au pied de la lettre, c'est archi flou ! mais je ne peux pas dire "je poussais", ça poussait tout seul, je n'étais que "spectatrice" de mon corps). Plouf, il y a de l'eau partout, et je me dis, ça y est, je perds les eaux, les choses "sérieuses" commencent enfin!!!!! G me dit "bravo, bravo" et je n'y comprends rien, je suis à bout, en train de me motiver pour la suite, le passage du bébé... pendant que lui me dit "regarde !", il avait le bébé en question dans les mains!!!!!!! Il l'avait attrapé au vol de justesse, je venais de l'expulser à toute vitesse en me relevant ! Le bébé avait pourtant crié, mais je n'ai rien entendu, je ne m'en souviens pas en tout cas, j'étais ailleurs, et surtout complètement éreintée !!!!!!

C'est indescriptible le soulagement qui m'a envahie alors... Je me suis effondrée sur le lit, épuisée. Il était 1h du matin, c'était lundi 9 septembre. J'avais beaucoup de douleurs partout, les muscles des jambes tremblaient fort, j'étais tétanisée... J'avais du mal à m'installer sur le lit, sur le dos bien évidemment (un conditionnement culturel de plus, pffff....) pour que G puisse déposer le bébé sur moi... Il le tenait dans ses bras, au dessus de moi, le temps que je sois correctement placée. Le bébé avait les yeux grand ouverts, une bouche et les deux bras qui l'était tout autant. Je me suis dit qu'il cherchait à boire... Mais comme je restais sur le dos, à bout de forces, un sein pendant de chaque côté, sur chaque flanc, c'était la misère... (j'avais fait la grève du soutif pendant toute la grossesse suite à la lecture d'un bouquin qui liait cet accessoire au cancer du sein, il ne m'en fallait pas plus pour le supprimer, j'aimais pas les soutifs... sauf qu'il aurait fallu que je lise ça à l'adolescence, pas pendant la grossesse où les seins sont lourds !!!!)... La mise au sein n'était pas possible dans ces conditions ! Peut-être allait-il quand même chercher et trouver, bien que je ne voyais pas trop comment (!).

Nous réalisons alors que nous ne savons même pas s'il s'agit d'une fille ou d'un gars ! c'était une petite puce ! Je lui parlais doucement, G avait mis un pull sur la lampe de chevet, pour qu'il fasse encore plus sombre. Elle avait les yeux grand ouverts, pas de vernix, alors que je m'étais préparée à avoir peut-être éventuellement un petit choc esthétique à la vue d'un bébé bleu, plein de glaires, fripé , etc, que sais-je... Là, rien de tout ça. Une peau douce immaculée comme les photos de bébés dans les magazines !!!! Bizarre ? Elle était belle. Je suis sûre que je l'aurais trouvée belle aussi avec les glaires et tout le reste, mais là rien.

Par contre je commençais à paniquer, sachant que le réflexe de succion est soi-disant maximal dans les 2h (arf, encore les chiffres qui font stresser !!!), et que je voyais décidément aucune "prise" possible pour elle sur aucun des seins, les mamelons n'étant pas sortis, d'autant plus que je me suis cantonnée à rester sur le dos... En supposant qu'elle arrive à remonter jusqu'à mon torse, elle n'y trouverait donc rien !!! Pourquoi diable ne me suis-je pas couchée sur un flanc, comme la chienne chez mes parents, je j'ai si souvent vu allaiter ses nombreuses couvées, tout simplement ????? Pourquoi pas un de mes cheveux n'y a pensé ????? Au lieu de ça, je me suis accrochée à ce qui est raconté habituellement, le cliché du bébé qui remonte le ventre jusqu'au sein où il se désaltère goulûment... Par la suite, des mois durant, j'ai senti une grosse boule en travers de la gorge et les yeux qui picotent à chaque fois que je repensais à ce rendez-vous manqué... D'ailleurs peut-être que le fait de me mettre sur le flanc n'aurait pas suffi, mes mamelons étant alors décidément très plats... En même temps, elle semblait tellement éveillée et avait la bouche tellement grande ouverte que si j'avais pu m'installer sur le côté et lui présenter un sein certes sans mamelon proéminent mais encore un peu souple, elle aurait sans doute pu téter... Pendant la grossesse, je massais mes seins avec de l'huile d'amande douce, mais je ne savais pas comment faire sortir ces mamelons. .. Je me disais que tout allait se résoudre normalement après l'accouchement, par je ne sais quel miracle de la nature... Je n'avais pas assisté à des réunions LLL avant l'accouchement, c'était pas possible sans voiture (plus d'1h de route...), et je ne voulais pas de toute façon, car je me disais qu'on allait me demander où j'allais accoucher, et je ne voulais pas parler de notre projet, ne pouvant pas prévenir les réactions : incompréhension? pressions? dénonciation? Je me disais qu'il serait toujours temps de téléphoner après la naissance si un problème se présente... Donc me voilà sur le dos, appuyée sur des gros coussins, le bébé sur mon ventre...

Je n'ai aucun élément de comparaison, mais j'ai trouvé le cordon fin. Il ne battait pas, mais nous n'étions pour autant pas pressés de le couper. G alla faire bouillir de l'eau pour y stériliser les ciseaux. Une heure plus tard je crois, d'un commun accord, il coupait ce lien. Peu de sang a coulé, je n'ai pas de souvenir précis, en tout cas ça ne nous a pas marqué. G fit glisser ses doigts le long du cordon pour refluer le sang vers le placenta, mais on n'avait pas l'impression qu'il y avait beaucoup de sang dedans, bref, on s'est demandé si c'était bien utile. J'étais contrariée car je savais que la tétée aidait à l'expulsion du placenta, qui était encore dans mon ventre... J'avais de faibles contractions, mais le temps que je me redresse pour me mettre à la verticale, c'était passé, alors je me rallongeais, car j'étais épuisée... Nous avons fini par conclure qu'il fallait qu'on dorme, nous étions tous les deux à bout, tout irait mieux demain après un peu de sommeil. Je me souviens avoir dit à G : "Tu ne trouves pas, on dirait qu'elle a une 'tite (sic) trisomie?". "Non, tu vois ça à quoi toi?". "Je ne sais pas, les yeux peut-être? Mais on n'y voit rien, ça ira mieux demain, à la lumière du jour". Et le lendemain matin : "Bah non en fait, j'ai rêvé"...!

Après une nuit où je ne me souviens ne pas avoir beaucoup dormi, contrariée par ce problème de mise au sein, et de placenta non sorti, j'appelle l'animatrice LLL de notre département. Elle me dit que je dois me calmer, me reposer, me mettre sur le côté avec le bébé devant le sein, qu'il arrive que les bébés mettent 24 à 48h à téter, tout va s'arranger. J'insiste sur le fait que je n'ai pas de bout de sein, ça ne semble pas l'alarmer... Par contre, pour le placenta, il faut que j'appelle un médecin. J'obtempère pour le premier conseil, pas pour le second... Je la sens paniquée qu'elle soit la première à qui on s'adresse après un accouchement non-assisté, avec un placenta encore en place au bout de 10h de surcroît...

Je passe alors des coups de fil tous azimuts pour savoir si c'est possible que le placenta mette du temps à sortir, mais à chaque fois c'est pour entendre qu'il faut aller à l'hôpital, sans plus d'explication... Je ne suis pas d'accord, je ne vois pas pourquoi : personne ne m'a examinée depuis le douloureux TV de début de grossesse, je suis chez moi, dans un univers microbien connu de mon corps. Je me sens bien, en possession de tous mes moyens ! Nous mangeons, puis G m'encourage à essayer de dormir. Je dis ok, mais je me mets d'abord un cataplasme de 2cm d'argile sur tout le bas du ventre en espérant qu'il parte un jour ce placenta... Le bébé ne cesse de dormir, je ne m'inquiète pas, je me dis que le travail était long et qu'elle doit être crevée aussi... En fait, elle s'était sans doute mise en mode "économie d'énergie"... Nous n'avions pas de biberon, et je n'avais pas pensé à avoir une seringue sous la main ! Donc, j'ai honte de le dire, on lui donnait de l'eau au goutte à goutte avec un coton tige – c'est à dire très peu... – dès qu'elle avait les yeux entrouverts... J'ai peu dormi à la sieste. Je me suis ensuite forcée à me lever et marcher, le cordon froid pendant entre les jambes, c'était bizarre... En fin d'après-midi, l'animatrice LLL a téléphoné pour avoir des nouvelles, savoir si le médecin était passé, et le placenta expulsé : je l'ai laissée parler dans le répondeur, je ne voulais pas lui dire que non, de peur qu'elle nous en envoie un... Le matin même, elle m'avait dit qu'elle ne pouvait pas venir car habitait à plus d'1h de chez nous. Pourquoi ne nous a-t-elle alors pas parlé du réseau des professionnels LLL, notamment d'une étiopathe qui est à 1/2h de chez nous, et qui peut-être aurait pu passer? Je l'ai connue par la suite... Comme elle avait dit qu'il arrivait que l'allaitement commence au bout de 48h, nous n'étions pas encore très inquiets, bien que j'imaginais de moins en moins le bébé se réveillant tout d'un coup plein d'énergie pour téter et faire sortir ces fichus mamelons...

Je vais aux toilettes uriner, quand tout d'un coup, j'appelle G : "J'ai une boule à la vulve!" et rapidement, tout sort, et un gros "plouf"... dans la cuvette des WC... Le placenta !!! Il est 20h. C'est un énorme soulagement ! J'enfile des gants en caoutchouc pour aller le récupérer, et vérifier qu'il est entier. J'ai du mal à le saisir, ça glisse et il est é-nor-me !!! je suis impressionnée !!! une grosse boule de sang toute rouge, rouge très foncé, presque noir. Je n'arrive pas trop à comprendre ce que ça veut dire de vérifier s'il est intact ou pas... Je le trouve gros, beau, impressionnant, je n'arrive pas trop à imaginer comment il devrait être s'il n'était pas intact, donc je me dis qu'il l'est... Sans commentaire... J'ai vacillé à moitié en me redressant, mon centre de gravité semble avoir bougé avec le départ de ce gros placenta ! Nous mangeons en vitesse et dodo, pour essayer de récupérer un peu, après toutes ces émotions... Ça va faire deux nuits que je ne dors quasiment pas, ça commence à faire beaucoup, je me demande comment je tiens le coup... Le lendemain matin, toujours rien côté allaitement. Ça fait 36h, bientôt le glas des 48h... G n'est pas tranquille pour sa fille, et par ailleurs, il ne veut pas aller à la mairie sans certificat d'un médecin, il n'a pas le courage d'argumenter pour faire valoir le droit du Code Civil. De mon côté, j'ai la trouille terrible qu'un médecin découvre ce qui vient de se passer... Mais comme au final c'est G ira à la mairie, je ne dis rien, et je me rassure en me disant qu'après tout le docteur va juste remplir un papier et basta, nous ficher la paix... J'appelle un acupuncteur à 1/2h de chez nous pour avoir des chances de tomber sur quelqu'un d'ouvert... Mais il me dit qu'il n'a pas le droit de se déplacer de si loin... Donc je prends le plus proche. Il passera en début d'après-midi. A 13h il est là, et tout bascule...

Hypoglycémie de Anne, perfusion de glucose par le nez, hypotonie... Il prend le téléphone pour appeler le SAMU, leur parle notamment de 'TR21', puis en se tournant vers nous : "Il faut que vous alliez à la maternité, il y a plein de tests à faire, le test de Guthrie et les autres, vous ne pouvez pas rester là". J'entends à moitié tout ce qu'il nous raconte, je me sens perdre la tête... mais je dois rester forte extérieurement, sinon ils vont nous la confisquer. Il me palpe le ventre, est en colère parce qu'il y a des creux et des bosses, me demande si je ne portais pas des jumeaux... Le placenta n'était expulsé que depuis la veille au soir, mais je ne pouvais pas lui dire, j'avais dit qu'il était parti dans l'heure qui avait suivi la naissance... J'avais fait une échographie en tout début de grossesse en janvier, nous étions revenus en métropole pour 15 jours, et avions rencontré une sage-femme qui accompagne pour les accouchements à domicile, et avec mes cycles irréguliers elle nous avait conseillé d'en faire une pour estimer la date de conception, elle n'accompagne pas pour les dépassements de terme ou les prématurés. Donc j'ai sorti cette écho et le compte rendu au médecin. Mais il restait en colère devant mon ventre... En plus je n'avais pas encore nettoyé Anne, donc il y avait du méconium, il hallucinait... d'autant que je n'avais pas mis de couche, j'avais été prise de cours et n'avais pas encore finalisé ma commande de couches lavables par internet, la cata ! Je ne sais plus combien de temps plus tard, toute l'équipe du SAMU qui débarque dans le village avec les gyrophares et les sirènes... puis dans la salle à manger avec tout leur matos, je crois faire un gros cauchemar, mais non c'est la réalité... Je demande si mon mari pourra venir aussi, le médecin m'avait dit que oui, mais finalement il n'a pas eu le droit ! C'est notre proprio qui l'a amené. Je me fais remonter les bretelles parce que je n'ai pas de papiers de grossesse... idem à la maternité... Une sage-femme vient dans ma chambre pendant qu'on avait emmené la puce pour lui faire je-ne-sais-quoi, je ne préférais pas y penser, tout en pleurant qu'on l'aie prise. La sage-femme me pose pleins de questions pour remplir ses papiers, vu que je n'avais pas de dossier... J'avais envie de demander qu'elle me fiche la paix, me rende ma fille et retrouve mon mari qui devait être partout en train de me chercher... J'ai refusé qu'elle m'examine. Au bout d'un temps qui m'a semblé une éternité, on me ramène le bébé. Je ne la reconnais pas dans ce pyjama, c'est horrible...

G arrive enfin, je m'effondre... pour me ressaisir aussitôt, je pressens que s'ils me voient pleurer, ils vont se dire que je suis instable, et on va nous la confisquer. Une aide-soignante vient nous demander si elle a eu les gouttes de nitrate d'argent (sic). Nous répondons que nous ne savons rien de ce qu'ils lui ont fait, et demandons pour quoi faire? "C'est automatique, dans toutes les maternités on fait ça"... On aurait dû répondre que oui, ça a été fait... L'interne vient nous faire signer un papier pour les autoriser à faire un caryotype de l'enfant. "Pourquoi?" "Nous suspectons une trisomie." "Vous voyez ça comment ?" "Au faciès." Signatures. ça nous semble inutile d'avoir une confirmation génétique, mais je n'insiste pas, et les laisse avec leurs gadgets et leurs protocoles... Pour notre part, comme ils se posent la question, on est sûrs que c'est le cas, alors pourquoi faire un caryotype là maintenant tout de suite ? Bébé dort, elle a encore une sonde gastrique.

Je ne me souviens plus si je l'ai demandé, mais on m'amène un tire-lait manuel pour extraire mon lait. Ça me met du baume au cœur de savoir qu'elle va pouvoir boire mon lait, je suis super motivée, et j'ai la chemise trempée donc je me dis que je devrais avoir ce qu'il faut pour elle... Avant de la nourrir à la sonde, ils la mettent d'abord au sein à chaque fois, pour qu'elle tête, mais sans succès... Forcément, ils sont à 3 à s'acharner sur nous, ça nous stresse plutôt qu'autre chose, d'autant qu'ils la réveillent exprès la plupart du temps...

J'ai fini par demander une ligne téléphonique, et j'ai passé une fois de plus des coups de fils tous azimuts pour tenter de remonter la pente... J'ai insisté lourdement pour avoir la cohabitation 24h/24 avec mon bébé. Rien n'allait, je pétais les plombs. J'ai voulu signer une décharge pour sortir de là, ils nous ont fait peur et mis la pression parce que "vous vous rendez compte, votre bébé dort 23h/24 et ne tète pas. Vous mettez sa vie en danger!" etc etc. Du terrorisme affectif, comme disait une amie ! G était à nos côtés toute la semaine, et dormait à l'hôtel la nuit. Nous n'avions pas pris de bagages avec nous, juste 3 bricoles en vitesse. La nourriture ne me convenait pas du tout, je ne sais pas comment on peut allaiter correctement avec ça.... J'avais toujours faim, G m'amenait régulièrement des fruits secs et autres victuailles trouvées en ville.

Finalement, une puéricultrice patiente a aidé la puce à prendre le sein avec douceur, quelle expérience bouleversante fut cette première tétée pour moi ! Sentir une telle force dans une si petite bouche ! Par contre, rien à faire, elle n'arrivait pas à téter l'autre sein. Je ne m'en inquiétais pas, je savais qu'au pire on pouvait n'allaiter que d'un sein, et que ça pourrait encore évoluer à la maison, dans une ambiance disons plus paisible, plus propice...

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dès le lendemain de notre retour tant attendu... Nous avions l'autorisation de sortie, mais à condition d'amener l'enfant la semaine suivante pour contrôle du poids. Mais oui bien sûr... Comme si j'allais à nouveau faire 50km simplement pour poser le bébé sur une balance ! Je leur ai donc écrit que le bébé avait été vu par tel médecin en ville (qu'on nous avait conseillé entre temps par téléphone lors du séjour hospitalier), et qu'ils pouvaient, s'ils le souhaitaient, contacter cette confrère pour avoir des nouvelles de sa santé ! Par contre, nous étions complètement dépassés côté intendance, tout était en bazar depuis les jours avant l'accouchement et je n'avais pas le courage de préparer les repas... G ne pouvait pas prendre de congé supplémentaire, il avait des dossiers très urgents au boulot. Du coup, ce fut la grosse panique à bord pendant au moins un mois (la puéricultrice de la PMI devant passer, ça m'a motivée pour ranger...), le temps de trouver un rythme à trois... Notre confiance à tous les deux ayant été détruite, anéantie, les crises de larmes ont été nombreuses, nous étions à cran... G a passé 2h dans le bureau de son directeur, à se faire incendier : le médecin l'avait contacté (!) et lui avait parlé de secte... Il lui avait dit aussi que je n'avais pas fait de suivi de grossesse!!! D'accord, nous sommes croyants, il y avait dans notre chambre un coin prière avec des bougies, une croix et quelques cartes postales d'icônes... En cas de doute, c'est peut-être obligatoire et important de faire un signalement, mais aux autorités compétentes, pas au supérieur de G, si???? Ce médecin n'a vraiment pas été professionnel. Je trouve par ailleurs sa colère injustifiée quand il est arrivé chez nous... il pouvait très bien agir de la même façon, si il pensait que c'était nécessaire, sans déverser toute cette émotion négative, ça me parait complètement infantile et irresponsable d'enfoncer des parents dans un moment de détresse, il voyait bien que nous étions inquiets...

Nous avons peu parlé de cette naissance autour de nous... En effet, les réactions étaient soit très négatives (nous avons été inconscients, fous, irresponsables, etc), soit indécemment positives (c'est extraordinaire, admirable, fabuleux, incroyable,...). Je trouve ces deux attitudes excessives, elle ne correspondent pas à ce que nous souhaitions vivre et avons vécu : pour moi, ce n'est ni inconscient, ni extraordinaire, mais NORMAL de réunir pour l'accouchement les conditions nécessaires à la paix, la confiance, et l'absence de peur... Ces conditions sont propres à chacunE... Et c'est ce que j'ai choisi de vivre qui s'en approchait le plus... Sans doute que nous aurions été davantage en paix si notre proprio ne vivait pas à l'étage d'en dessous, et si nous connaissions mieux les professionnels du coin, comme un médecin compétent et compréhensif, ou l'étiopathe qui est à 30km et dont je n'ai entendu parler qu'à notre retour à la maison... Mais nous venions de nous installer dans le secteur quelques mois plu tôt seulement... C'est souvent assez long de créer son 'réseau'...

Pour la petite histoire, deux mois plus tard, de passage à Paris, nous avons trouvé (en magasin bio) le 'Guide des alternatives' (Editions du Fraysse) http://www.editionsdufraysse.fr. Au chapitre « naissance », on peut y lire que le placenta peut partir au bout de quelques heures, voire 2 à 3 jours... Que n'ai-je eu ce guide plus tôt !!!!! Cela m'aurait évité d'embêter les personnes que j'ai contactées par téléphone... Qu'elles me pardonnent de les avoir mises à mon insu dans une situation embarrassante.... Je n'arrive pas à comprendre le système juridique : pour moi, quoi que disent les gens autour de nous, c'est à nous de prendre la décision finale et à nous SEULEMENT, à mes yeux, d'être responsables et de devoir répondre de ce choix s'il y a des problèmes par la suite. Je trouve la situation malsaine.

En conclusion, pour reprendre texto des propos entendus à l'époque, on est dans une situation très difficile avec les accouchements à la maison en France. D'une part il est à peu près impossible de parler de son projet, à l'avance, avec famille et amis, sous peine de se voir déverser un max de pensées négatives. D'autre part il est de plus en plus difficile de trouver des accompagnants professionnels, si on a décidé d'en prendre, sauf peut-être dans la région parisienne... Enfin, il est difficile de solliciter l'aide ou la présence de tierces personnes, si on se débrouille sans assistance médicale, car ces personnes peuvent être accusées de pratique illégale en cas de pépin. Pour résumer, on se retrouve vraiment seulE.


Deuxième accouchement, juin 2009

La grossesse :

Grossesse très attendue, plus de contraception depuis plus d'un an, ça finissait par me rendre dingue tellement c'était différent de la première grossesse-surprise... Aurais-je tant que ça vieilli depuis ??!!!

Premier trimestre très désagréable, pendant près de 4 mois d'ailleurs. Je ne suis pas bien du tout au niveau du ventre, sans que ce soit jusqu'à être douloureux. Je parle d'un 'brouillard' permanent au ventre... Je dors tout le temps, vautrée sur le canapé. Par contre, contrairement à la grossesse précédente, je mange ! Beaucoup d'ailleurs... Des envies précises (fromage de chèvre au lait cru, œufs, puis cornichons/oranges, pommes, steaks tartare avec le jaune d'œuf cru dessus, miam!!!!). J'ai une sensation 'pâteuse' désagréable en bouche en permanence, c'est pénible, je ne sais pas pourquoi. J'ai des démangeaisons insupportables dans le dos en fin de premier trimestre, à me gratter jusqu'au sang... puis pareil sur le ventre... Comme précédemment, je ne fais ni déclaration ni suivi de grossesse, je ne suis pas malade, juste enceinte...

Le papa dit que je suis inconsciente, qu'il va me faire signer une décharge... Il est très stressé par mon projet d'accouchement non-assisté qu'il ne partage pas du tout cette fois, il n'est plus du tout dans le même état d'esprit de confiance que pour l'aînée, au vu de tout ce qui s'était passé... En plus nous sommes en appartement, il craint par rapport aux voisins qui pourraient s'inquiéter... C'est un sujet de tension très fort et récurent tout au long de la grossesse... « Tu es enceinte toute seule »... Il dit qu'il se le reprochera toute sa vie si handicap voire décès... Qu'il finira ses jours en prison si issue fatale pour moi et/ou bébé... Et si j'ai une hémorragie ? Et si c'est en siège ? Et si le bébé est coincé, ou son cordon ? Notre aînée a peut-être eu des séquelles au cerveau du fait d'avoir manqué de sucre après la naissance ???! Ambiance pas idéale pour la détente...

C'est pour lui que je finis par accepter de rencontrer F en vue d'un accouchement à domicile avec elle. Mais je n'ai pas du tout accroché, et il semblerait que le bébé non plus car en rentrant chez nous après le rendez-vous, j'avais une éruption cutanée sur tout le ventre, la seule fois de toute la grossesse !!!! Je lis <i>Intimes naissances</i> (F y parle de moi !) et <i>Passages de vies</i>. Malgré que cette fois nous soyons en ville, je me suis de nouveau sentie très isolée pendant cette grossesse, cette solitude m'a beaucoup pesé. J'avais besoin de parler, sans savoir à qui, car je voulais éviter les questions autour de l'accouchement, ne me sentant pas comprise. J'envisage de contacter J en vue d'un accouchement à plus de 800 km de chez nous ! J est ok, mais au fur et à mesure que le terme approche, je ne me sens pas capable de tout organiser, et j'ai envie d'amener avec moi tout ce qui fait mon quotidien ici, ce qui n'est pas compatible avec un voyage en train...

Un soir en avril (je suis dans mon 3e trimestre), grosse crise d'angoisse pour le papa au coucher : «  Je n'en peux plus de cet accouchement, je sens qu'il va nous arriver une grosse merde »... Puis il dit qu'il s'est résigné à finir ses jours en prison... En fin de grossesse, tout le monde me dit que j'ai un ventre incroyablement petit, ça me soûle !!! J'ai pourtant pris plus de 10 kg, ça ne me semble pas mal !!! A trois semaines de la naissance, j'ai des contractions toutes les 3 mn pendant une heure, mais à peine douloureuses. S dit que pareil pour 2e grossesse à trois semaines du terme. Elle est ok que je l'appelle au tél pendant l'accouchement si j'en ressens le besoin. Je sens la tête (?) à travers la paroi de mon vagin. Je vais avoir plusieurs fois des contractions comme ça jusqu'à la fin, mais elles dureront moins longtemps.

L'accouchement :

A 3h du matin, jeudi (40SA+4j), j'ai des contractions, peu nombreuses mais douloureuses... Je vais me préparer un matelas au pied du canapé dans le salon, ainsi que des bricoles à portée de main, alèses et autres linges. Mais finalement ça n'évolue plus et c'est toute penaude que je regagne la chambre pour finir ma nuit vers 5h du matin... En fin de matinée, de nouveau les mêmes contractions, il faudrait que je dorme un peu car suis KO, mais trop excitée, je n'arrive pas ! J'envoie un mail au soir à S pour lui dire que les choses bougent mais malheureusement sans plus, elle me suggère d'en profiter pour bien dormir cette nuit, mais j'ai des démangeaisons insupportables dues à de fichus oxyures... En fin de journée, il fait moins chaud, j'irais bien marcher dehors, mais nous sommes en plein centre ville, il y a trop de monde, les badauds vont appeler le SAMU direct si je me trouve mal ! Le papa ne peut pas m'accompagner car il ne veut pas laisser A dormir seule... Le soir on se fait un gros câlin, avant de sombrer dans les bras de Morphée.

Au petit matin, le vendredi, je perds de l'eau sur le matelas. L'équivalent d'un petit demi verre ? N'en pouvant plus d'attendre le jour J, je suis surexcitée, mais finalement la journée passe sans que ça bouge davantage... Il est 21h lorsque je constate que cette fois les pertes roses pâles sont cette fois rouges... comme du sang très dilué, mais ce n'est plus rose... Je m'examine (je ne devrais peut-être pas ?) mais je ne trouve rien !!! Je dors plutôt bien cette nuit là, réveil-pipi toutes les 2h...

Samedi très calme... Quelques contractions rares et isolées au matin, puis de nouveau le calme plat, puis rares contractions vers 15h. A 13h j'avais perdu un peu de liquide, complètement incolore cette fois. Je suis à cran, à bout de nerfs, je prends la mouche pour un rien... Ce ne sont pas des conditions idéales pour "s'ouvrir", mais je ne contrôle pas tout... On sort en ville tous les 3, j'ai envie de marcher. Il fait chaud, j'ai un insert en coton dans ma culotte car je perds de l'eau rosée régulièrement !!! J'avance comme un éléphant, mais je suis bien, et très très impatiente.... Il fait chaud... Le soir, de nouveau de rares contractions... Je pars marcher dans le quartier, je fais le tour du pâté de maisons... Ça m'aura manqué de ne pas pouvoir marcher davantage, j'ai vraiment la trouille de me retrouver avec la tête du bébé entre les jambes et que des gens paniqués arrivent et prennent leur portable pour appeler le SAMU !!! C'est un inconvénient de la ville... Ça ne bouge pas davantage, de toute évidence bébé ne semble pas prêt... En me couchant vers 21h, je me caresse les mamelons généreusement, ça va faire deux nuits que j'ai perdu du liquide, ça ne peut pas durer comme ça indéfiniment...(?!)

Relation de cause à effet ? À 23h je ressens les premières contractions "significatives"... Pas le temps de trop me réjouir pour autant, elles sont déjà conséquentes et très très désagréables..... Je me mets à marcher autour de la table, en me jetant dans des coussins posés dessus dès qu'une contraction arrive. C'est pour pouvoir crier à loisir sans que les voisins de l'immeuble paniquent... G est très stressé à ce sujet... Il les imagine sonnant à notre porte pour savoir si on a besoin d'aide, et lui de répondre : "Non non tout va bien !"...!!! Je bois souvent, je mange quelques bananes séchées.

Dès 4h, ça se met à pousser !!! Je suis super contente, ça veut dire que d'ici 1h au plus tard et en prévoyant large, ce sera fini !!! Pour le premier accouchement, j'avais eu des contractions super douloureuses pendant plus de 16h...

Je me rapproche du matelas installé au pied du canapé : ce serait dommage que ça tête tombe sur le sol... Je suis sur les genoux, la tête dans les coussins à chaque poussée... Mes intestins se vident généreusement entre deux poussées... J'arrive à demander à G – qui vient de temps en temps me demander si ça va – de m'aider à nettoyer et changer alèses jetables et draps, et ce à plusieurs reprises... Les poussées sont insupportables, j'ai à peine le temps de me poser 2-3mn avant la suivante... À plusieurs reprises, je m'examine pour essayer de deviner où j'en suis, mais c'est un échec à chaque fois, je n'arrive pas à trouver mon col !!! Et ce jusqu'à la fin !!! Alors je me dis « c'est quoi ces poussées insupportables qui ne font rien avancer, c'est dingue !!! ». Et les heures passent, et les poussées continuent !!! Le jour pointe vite, un 21 juin forcément... Ça me casse le moral encore plus... Vers 7h A se réveille, G l'invite à le rejoindre dans notre chambre où ils vont jouer et lire des histoires... Puis vers 8h il se met déjà à faire chaud, et moi je m'épuise, j'hurle comme c'est pas possible, toujours dans les coussins... Je n'en peux plus. Je demande un miroir, j'y vois pas grand chose, alors qu'en fait il y avait la tête mais je n'avais pas reconnu... Ce n'est que vers 9h30, soit une demi-heure avant la fin, que je comprends que c'est une tête que j'ai à la vulve ! G est de plus en plus angoissé, il me demande si on doit appeler les urgences... Forcément, avec tous mes hurlements et autres « je ne veux plus jamais accoucher, je veux la péridurale, je veux une césarienne, ma-man!!!! » que j'ai crié ou gémi tout du long... Je lui demande de me donner encore une heure... Je ne lui dis pas ce que j'ai vu au miroir... Je n'en peux tellement plus de ces poussées involontaires et de l'intensité de leur douleur que je décide paradoxalement d'en rajouter « une couche » de volontaire par dessus !!! Tant pis si tout se déchire, si mon périnée éclate, mais je veux en FINIR !!! Tout en m'agrippant cette fois aux lanières de notre hamac-nacelle à chaque nouvelle poussée, et G qui essaie de me plaquer un coussin pour étouffer mes hurlements ! Épique...

La tête finit par sortir lors d'une ultime poussée... Je suis semi assise, G est là, j'ai entre les jambes une tête toute bleue violette, qui me fait face, avec les yeux fermés, en moi-même je me dis que peut-être il est mort ? Je dis à G que je ne peux plus rien faire, que c'est lui qui devra le sortir moi je n'en peux plus... Il m'encourage... Il dégage une petite main qui semble coincée sous le menton, le bébé se réveille à cette occasion et se met à pleurer légèrement. Il n'y a plus de poussées involontaires, et je n'arrive pas à me motiver à pousser moi-même... Je finis par essayer un peu, et avec l'aide de G le bébé finit par sortir complètement, peut-être une minute plus tard environ, puis vient du liquide en quantité, et du sang aussi. A, qui s'était approchée quand elle a entendu les petits gémissements, était vite repartie en m'entendant hurler de douleur... Son père l'appelle pour voir le bébé, mais elle refuse, et ne revient que quelques minutes plus tard. La tête du bébé est comme un œuf, très allongée. G demande « Ça va toujours rester comme ça ? Comment on va faire pour enlever ça ? » !!! Moi je n'ai plus l'énergie de parler pour lui expliquer les histoires de crâne au démoulage, je suis hors jeu, je prends le bébé contre mon ventre, je découvre que c'est un petit garçon, puis je demande rapidement à G son aide pour aller me blottir sous la couette dans notre chambre, où les draps et alèses « spécial accouchement » avaient été installés depuis quelques jours déjà. Quel bonheur, quel soulagement que ce soit fini !!! Je suis allongée sur le dos, la tête relevée par plusieurs coussins, le bébé sur mon ventre, il fait 25° dans l'appartement mais je réclame le radiateur d'appoint dans la chambre, il devait y faire 30° au moins du coup ! Bébé léchouille le sein, mais rien de plus. D'autres contractions arrivent ensuite, mais je suis trop épuisée pour me verticaliser... Tant pis, je reste allongée, il finira bien par sortir un jour ce placenta ! ;) En effet, mais au bout de 16h, lorsque je me suis levée en pleine nuit pour aller aux toilettes... Auparavant, j'avais uriné sur des alèses jetables posées sous mes fesses...

Au bout de 2h environ j'ai demandé à G de couper le cordon. Le bébé est tout décoré par le sang séché sur le visage, ça ne me gène pas... Ce n'est qu'au soir que je demande de l'aide pour qu'on nous amène sous la douche. Je suis titubante sur mes jambes, c'est très désagréable de me verticaliser, et je m'installe péniblement dans la baignoire sur une bouée. Concernant l'état de ma vulve, elle est intacte, pas même une égratignure, c'est incroyable ! Par contre j'ai l'anus complètement déformé, des grosses hémorroïdes heureusement pas douloureuses, qui disparaîtront spontanément dans les 8 jours, ouf ! J'ai des souvenirs insupportables des douleurs que j'avais eues pendant longtemps pour aller à la selle après l'accouchement précédent... Ma sœur arrive à 13h30 comme prévu, pour un séjour d'une semaine. Sa nièce l'accueille toute excitée de lui expliquer que le bébé est là !! J'avais dit à l'entourage que le terme était début juillet pour avoir la paix... Nous mangeons du taboulé en guise de repas de midi, tous les 5 entassés dans la petite chambre surchauffée, un pique nique surréaliste !!! Dans l'après-midi, je lui donne à la pipette quelques gorgées d'eau additionnées d'un peu de miel. Première tétée conséquente à 23h. Je ne sais plus quand est-ce que nous l'avons pesé, le jour même ou le lendemain ? 3kg 100.

Lundi après-midi, je découvre une cloque grosse comme mon pouce sous le sommet de son crâne, à l'arrière, une peau très très fine. Comme si ça avait longtemps frotté/appuyé à cet endroit dans le canal de la naissance... On a mis un cataplasme d'argile renouvelé une fois ou deux.

Mardi, il ne fait que 3 pipis dans la journée, par cette chaleur ça ne me convient pas du tout : je le fais téter toute les heures la nuit suivante jusqu'à 1h du matin, puis 6h. Les jours qui suivent je le réveille toutes les 90 mn pour lui proposer d'éliminer dans la bassine puis le faire téter.

Mercredi il fait beaucoup de pipis dans la journée, dont plusieurs dans la bassine, je suis super contente ! Pareil pour le méconium !

Première selle jaune jeudi matin. De mon côté, mon anus est en très bonne voie, ça me rassure beaucoup...

Mon frère vient nous rendre visite le vendredi avec sa petite famille. Je ne suis pas encore du tout à l'aise en position verticale, je resterais bien allongée tout le temps... Je vacille sur mes jambes, comme si tout allait se disloquer ! Je me suis installée un matelas dans la salle pour C et moi. Le bout de cordon desséché commence à se détacher, je mets de la poudre d'argile verte.

Samedi, nous allons enterrer le placenta au pied d'un olivier dans la campagne en fin de journée.

Dimanche, A est malade, elle le fut aussi pendant la nuit (vomissements). Je perds encore un peu de sang, mais c'est clair.

La nuit suivante A dort avec nous, elle a un sommeil agité. Et le lundi c'est déjà le départ de M... Ça me fait un grand vide... Elle nous aura beaucoup aidés : les repas, occuper sa nièce, les vaisselles, lessives, courses... et en même temps, je suis contente qu'on se retrouve que tous les 4, je vais pouvoir dormir davantage en journée, n'ayant plus à lui faire la conversation ! ;o)

Réflexions en vrac...

Ces 6h de poussée continuent de m'intriguer, je ne comprends pas... Sans doute qu'à l'hôpital ça se serait terminé avec les forceps... au minimum...?! J'en ai touché deux mots à une copine sage-femme australienne qui a la « culture accouchement à domicile », elle dit que si la maman se met à pousser trop vite (sous entendu avant l'effacement complet du col), on arrive à retarder la poussée, notamment avec des exercices de respiration... mais ça ne me convient guère comme lecture... comme si mon corps ne savait pas où ça en était et s'était mis à pousser trop tôt???!!!! Ça ne parle pas du tout à A non plus ! Mais J dit que ça lui est arrivé une fois auprès d'une maman qu'elle a dû inviter fermement à aller s'allonger car le bébé se présentait de telle sorte qu'il appuyait sur un endroit qui déclenchait la poussée alors que le col était presqu'à la vulve, mais à peine ouvert ! L'article ci-après est aussi une piste de réflexion intéressante : http://midwifethinkingfrench.wordpress.com/2011/02/06/hello-world/

La mort. Pendant le travail, c'était tellement pénible qu'à un moment je me suis dit que peut-être le bébé n'était plus vivant et ne pouvait pas du coup faire sa part du travail, et que donc je devais tout faire toute seule, d'où l'intensité de la douleur ? Ça ne me stressait pas, dans le sens où de toute façon je ne savais pas si c'était effectivement le cas ou non, il n'y avait rien de factuel, juste une hypothèse à laquelle j'ai pensé...

S a dormi près du téléphone cette nuit-là, mais je ne l'ai finalement pas appelée... par manque de répit ? Parce que j'étais complètement dépassée par l'intensité de ce qui m'arrivait ? Par prudence, pour ne pas l'impliquer dans une histoire dont je ne connaissais pas l'issue ?

La déclaration de naissance fut éprouvante pour le papa... c'est un euphémisme...

Nous avions pourtant anticipé et vu auparavant le médecin de famille, elle nous avait donné un papier disant qu'elle avait examiné l'enfant et la mère. « Mais ce n'est pas un médecin » lui a-t-on dit au guichet, car c'était écrit sur l'en-tête « homéopathe-nutritionniste-médecine du sport »...

Comme l'agent ne voulait pas faire de déclaration, G a réclamé une attestation de refus de déclaration. « Pas question, je ne vous ai pas vu ! » !!!!!!! Il a répondu qu'il ne quittait pas les lieux sans un papier, l'agent a marmonné puis est parti dans un bureau derrière pour aller chercher de l'aide auprès de sa supérieure, qui est restée plus de 30 mn à chercher un argument pour le coincer... Si elle cherchait dans le Code Civil, elle pouvait toujours espérer... Puis elle a abdiqué, fait le papier tout en disant qu'elle faisait suivre le dossier au Procureur ! J'ai pris les devants et téléphoné pour savoir quelles suites ils allaient donner (je ne me voyais pas rester tout l'été à attendre une possible enquête, ça ne me disait rien d'avoir une épée de Damoclès au dessus de la tête...). La secrétaire, fort compréhensive, m'a dit que c'est du grand n'importe quoi ce qu'ils ont dit à la mairie, qu'ils n'ont pas que ça à faire pour leur part, qu'elle n'avait rien vu passer pour le moment et qu'elle me faisait signe si elle recevait quoi que ce soit. Je l'ai recontactée une semaine plus tard, toujours rien : la mairie aurait dit ça rien que pour nous faire peur ? Pfffff...